Retraites : la France va-t-elle enfin mettre fin à la fraude des “centenaires” algériens ?

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Articles  : Fev. 2021 – Jan. 2021 – Dec. 2020 – Nov. 2020

Le scandale des fraudes aux prestations sociales, longtemps caché aux Français, finit malgré l’omerta de nos dirigeants et des journalistes, par éclater. Nous avons rencontré Pierre-Alexandre Rocoffort de Vinnière, président de l’entreprise Excellcium, qui a été auditionné, sur cette question, par la mission parlementaire chargée d’éclaircir le dossier. Ce qu’il dit confirme la gravité des faits, et rend plus insupportable le silence complice qui les couvre…

Riposte Laïque : Vous êtes le patron d’Excellcium. Pouvez-vous, avant de parler de votre entreprise, vous présenter à nos lecteurs ?

Pierre-Alexandre Rocoffort de Vinnière : Entrepreneur de 40 ans, j’entretiens la passion depuis près de 15 ans de trouver les solutions pragmatiques aux enjeux qui me sont présentés.

Riposte Laïque : Quels sont donc les objectifs de votre entreprise, et quelle est sa spécificité ?

P.-A. Rocoffort de Vinnière : Excellcium a vocation à répondre aux problématiques d’obligations de conformité des données clients des organismes d’assurances, de banques, de retraites et instituts de prévoyance : lutte contre la déshérence, contre la fraude, contre le financement du terrorisme… grâce notamment à la « Big Data », à des enquêteurs privés et à des généalogistes.

Riposte Laïque : On vous a découvert, il y a quelques mois, lors d’une audition à l’Assemblée nationale sur les fraudes sociales, dont il y a l’enregistrement visuel (à partir de 58 minutes) et écrit. Comment vous êtes-vous retrouvé à témoigner devant la représentation nationale ?

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/CRCANR5L15S2020PO769134N021.html

P.-A. Rocoffort de Vinnière : Certains de nos clients nous ont fait part du problème potentiel de la fraude aux retraites par des étrangers. Il n’existait pas alors de solution convaincante pour lutter contre ce fléau. Nous avons réussi à développer une solution pertinente attestant un grand nombre de fraudes potentielles sur les dossiers qui nous ont été confiés. À ce jour, il semble encore qu’Excellcium soit la seule entreprise en France à proposer ce type de service… C’est donc très naturellement que les différentes commissions gouvernementales, sénatoriales ou parlementaires, comme celle à laquelle vous faites référence travaillant sur la fraude aux prestations sociales, se soient tournées vers nous afin de bénéficier d’un éclairage « du terrain ».

Riposte Laïque : Vous dites avoir enquêté sur un millier de fraudes en Algérie, et 500 au Portugal. Qui paie votre entreprise pour effectuer ces recherches, et pourquoi vous sollicite-t-on ? Pourquoi seulement dans ces deux pays, et pas dans d’autres pays d’Afrique du Nord, comme le Maroc ou la Tunisie ?

P.-A. Rocoffort de Vinnière : Nos clients sont des organismes ou des caisses de retraite « semi-publics » ou privés ayant pour obligation d’effectuer des actions de lutte contre la fraude. Et celle-ci est a priori beaucoup plus présente, car plus simple, chez les allocataires étrangers percevant une retraite française.

Depuis lors, nous avons travaillé sur bien plus de 1 500 dossiers et avons étendu nos prestations à d’autres pays tels que ceux que vous citez. Mais, effectivement, il y a proportionnellement plus d’allocataires algériens que provenant d’autres pays d’Europe du Sud ou d’Afrique du Nord, pour des questions historiques. Et les fraudes y semblent proportionnellement plus nombreuses que dans les autres pays d’Europe.

Riposte Laïque : Vous décrivez, lors de votre audition, ce qui s’apparente à une fraude institutionnalisée, venant de l’Algérie. Vous évoquez le nombre de centenaires, étonnant dans ce pays, et ce qui s’apparente à une mauvaise volonté des autorités algériennes, quand vous demandez les certificats de décès, et d’autres faits que nous vous remercions de compléter…

P.-A. Rocoffort de Vinnière : Ce qui semble certain, c’est que cette typologie de fraude est déployée dans l’ensemble des régions (Wilayas) d’Algérie dans lesquels nous sommes amenés à opérer et que celle-ci se base sur les mêmes techniques, les mêmes failles… Établissement de faux certificats de vie et refus de communiquer le décès d’un compatriote à un organisme français.

Riposte Laïque : Vous évoquez un cas très élevé de nombre de fraudes, que vous estimez à 40 %. Selon vous, cela dure depuis combien de temps, et quel est l’impact sur le système des retraites, en France ?

P.-A. Rocoffort de Vinnière : Les dossiers qui nous sont confiés sont préalablement sélectionnés par les organismes principalement sur le critère de l’âge des allocataires… plus ceux-ci sont âgés et plus ils sont susceptibles d’être frauduleux. Lorsque nous travaillons sur des allocataires de plus de 85 ans, voire de plus de 100 ans, le taux de fraude dépasse les 40 %. À ce jour, une simple suspicion de fraude permet de suspendre l’allocation ; mais, à ma connaissance, il n’y a pas de cas de recouvrement du trop-versé…pendant de nombreuses années, parfois plus de 20 ans ! Il est néanmoins très difficile à ce stade de chiffrer cette fraude : 3 commissions ont tenté de l’évaluer et se sont cassé les dents face aux administrations qui refusent de prendre le « taureau par les cornes », je vous renvoie aux rapports éloquents de ces commissions qui sont publics.

Riposte Laïque : Le magistrat Charles Prats évoque le chiffre de 50 milliards, pour quantifier l’ensemble de la fraude, sur un ensemble de domaines du système social français. Partagez-vous son diagnostic, et quel est, selon vous, le montant qui touche directement les retraites ?

P.-A. Rocoffort de Vinnière : La thèse de Charles Prats est étayée par un grand nombre de preuves et ne peut comptabiliser l’ensemble des suspicions de fraudes. Le chiffre avancé peut donc nous sembler en deçà de la réalité… Quant à la fraude à la retraite, elle se limite pratiquement aux allocations versées à l’étranger, particulièrement en Algérie puis au Maroc mais aucune commission d’enquête n’a réussi à réellement l’évaluer. Nous ne pourrons le faire que lorsque les organismes accepteront de communiquer les chiffres clés : combien de centenaires perçoivent une retraite et quel est le montant moyen ? Deux questions simples auxquelles même la pugnacité des parlementaires ayant mené ces enquêtes n’a pas suffi pour avoir de réponse.

Riposte Laïque : Sentez-vous, chez les autorités françaises, que cela soit au niveau politique ou chez ceux qui sont responsables des systèmes sociaux solidaires, voire chez les représentants des salariés, la volonté de mettre fin à ce scandale ?

P.-A. Rocoffort de Vinnière : Olivier Dussopt (ministre des Comptes publics) a annoncé pas plus tard que la semaine dernière qu’il décidait (enfin) à s’attaquer à la fraude sociale et nous ne pouvons que nous en féliciter… Néanmoins, il ressort de ses communications qu’il minimise grandement l’ampleur de cette fraude (il ne se base que sur le 1,5 milliard constaté) et que les actions qu’il souhaite voir déployer concernant les retraites versées à l’étranger semblent utopiques à court terme comme « se baser sur les données biométriques ». Moyen semblant particulièrement compliqué à mettre en œuvre sur l’ensemble du territoire algérien, pour des retraités très âgés voire centenaires… On ne peut qu’espérer que la pression du pouvoir politique incite les organismes publics à prendre en considération ce scandale comme le font les organismes privés !

Riposte Laïque : Avez-vous de l’espoir pour que les travaux de cette commission aboutissent à des mesures efficaces ? Si en aviez les moyens, quels moyens utiliseriez-vous pour que les choses rentrent dans l’ordre ?

P.-A. Rocoffort de Vinnière : Espérons que la pression populaire soit suffisamment forte pour qu’elle puisse engendrer une véritable volonté politique, les annonces du ministre sont un bon début.

Pour verser une allocation à un étranger, les organismes se basent uniquement sur un certificat de vie facilement falsifiable… Naturellement, si je le pouvais, a minima je multiplierais les demandes de pièces (carte d’identité, justificatif domicile, etc.) et je multiplierais les enquêtes qui semblent être dans un premier temps le meilleur moyen pour détecter ce type de fraude rapidement.

Riposte Laïque : La médiatisation de ce dossier vous incite-t-elle à poursuivre vos investigations ?

P.-A. Rocoffort de Vinnière : Naturellement. Bien que nous ayons vocation à être discrets, nous ne pouvons nous dérober lorsque la représentation nationale nous sollicite. Et, par ailleurs, cette médiatisation a permis à certains organismes d’apprendre que des solutions existaient…

Riposte Laïque : Souhaitez-vous ajouter quelque chose, cher Monsieur ?

P.-A. Rocoffort de Vinnière : Les organismes de retraite combattront cette fraude si une pression politique les y oblige. Les députés et sénateurs qui s’emparent de ce sujet doivent se sentir soutenus par leurs administrés pour faire entendre raison à notre administration qui ne semble, hélas, pas très prompte à prendre la mesure de ce scandale…

Propos recueillis par Pierre Cassen

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