Jean-Louis Murat : la forte tête de la chanson française nous a quittés

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Articles     : Mai 2023Avr. 2023  –  Mar. 2023Fev. 2023 -Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=100069673161887 Twitter : https://twitter.com/OrtfNews

Il est parti à 71 ans. Discrètement, comme à son habitude. Jean-Louis Murat, c’est une carrière tardive, mais d’une richesse musicale et littéraire pas loin d’être inégalée. C’est l’amour du terroir avant tout, son Auvergne natale. Né dans le Puy-de-Dôme, d’un père charpentier et d’une mère couturière, il sera le premier enfant de la famille à obtenir son baccalauréat.

Sa jeunesse est tumultueuse : mariage à 17 ans, en 1969, festival de l’île de Wight l’année suivante et l’expérience de la paternité l’année d’après. Mais l’appel de la route et de l’errance est le plus fort. La tête pleine de rimes, il se prend pour Jack Kerouac, parcourt la France, multiplie les petits boulots – un temps, il sera même journaliste, c’est dire – avant de tenter de se suicider en 1977 et de retourner dans son village natal afin de se consacrer à la musique.

Résultat ? Vingt-quatre albums en studio, de 1982 à 2021, et six enregistrés en public. Musicalement, ses influences viennent beaucoup de ce que, outre-Atlantique, on appelle le laid-back. Tempos lents, mais délicatement marqués, mélodies faussement simples, arrangements délicats. Bref, less is more, comme le prétendait naguère Miles Davis, l’immense trompettiste. Un adage qu’on pourrait de la sorte traduire : « moins il y en a et mieux c’est ».

Jean-Louis Murat en faisait plus lors de ses rares passages dans les médias : il n’était pas rare qu’il suscite la polémique. C’était, d’ailleurs, souvent pour cela qu’on l’y invitait. Ce manque de tact vis-à-vis des élégances humanistes du moment, c’est malheureusement ce qu’ont retenu, aujourd’hui, trop de nos confrères. L’un d’eux, pourtant, Nicolas Ungemuth, éminent critique musical officiant à la fois au Figaro Magazine et à Rock and Folk, est du même avis : « Toutes les nécrologies parues dans la presse depuis ce matin sont proprement affligeantes, écrit-il. On ne parle que de ces joutes sur les plateaux de télévision. Mais Jean-Louis Murat […] ne supportait tout simplement pas de devoir débattre avec des incultes, lui dont la culture musicale et littéraire était hors normes. Il disait juste ce qu’il pensait. C’était un “mécontemporain”, une sorte de Philippe Muray avec une guitare. »

Il est vrai qu’assurer, sourire en coin, dans un murmure désabusé, que « le rock sert désormais à enculer le peuple en musique, ce style ayant été récupéré par les banquiers, les traders et les publicitaires pour en faire le bruit de fond du conformisme ambiant », ça pose un peu son homme. Surtout quand, dans la foulée, le schtroumpf grognon compare le groupe de rap PNL au « Club Dorothée », affirmant, au passage, qu’« Emmanuel Macron est un faux intellectuel et un vrai méchant », pour conclure : « Ça me plaît assez qu’on ne m’aime pas… »

Et Nicolas Ungemuth d’ajouter : « Jean-Louis Murat était avant tout un amoureux de la langue française. »

Bertrand Burgalat, autre musicien inclassable, fondateur du label Tricatel et souvent interrogé en ces colonnes, se rappelle un entretien jadis accordé à l’auteur d’un livre consacré au défunt. Pour Boulevard Voltaire, il a été puiser dans ses archives personnelles : « Je ne sais pas où il en est, maintenant, avec les médias “prescripteurs”, nous écrit-il. J’ai l’impression que sa liberté de ton les a un peu décontenancés. Je suis fasciné par le niveau de sottise des chanteurs d’aujourd’hui, et tout particulièrement par ceux qui revendiquent une certaine qualité. Je ne vois pas comment des nigauds pareils peuvent faire de la bonne musique. Des gens comme Jean-Louis Murat tranchent. »

On ne saurait mieux dire. Ce fier Auvergnat nous manquera.

Nicolas Gauthier, Boulevard Voltaire

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