Ignorée pendant la campagne, la transition écologique départagera-t-elle les deux finalistes ?

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« La politique que je mènerai dans les cinq années à venir sera écologique ou ne sera pas », voilà comment on peut résumer en une phrase le discours fleuve d’Emmanuel Macron à Marseille samedi dernier. Il y a derrière cette phrase d’abord et avant tout un calcul purement électoral. Selon la plupart des observateurs, c’est l’électorat de Jean-Luc Mélenchon et dans une moindre mesure celui de Yannick Jadot qui feront la différence au soir du 24 avril. Aussi chacun des deux finalistes « drague à sa façon » les électeurs indécis de La France Insoumise avec deux angles d’attaque très différents.

Comme nous l’indiquions récemment dans une autre tribune, Marine Le Pen a un programme énergie/climat très peu abouti. Ses principales mesures (TVA à 5,5% sur le différents vecteurs énergétiques, démantèlement de la filière éolienne, sortie du système électrique européen) sont critiquables, coûteuses et ne vont pas vraiment dans le sens de l’Histoire. Elles laissent même supposer une certaine dose de climato-scepticisme que son challenger a pointé du doigt à Marseille. Aussi, dans la continuité de sa campagne du premier tour, elle essaye de séduire les Insoumis en leur parlant de pouvoir achat, de TVA à 5,5%, de retraite à 60 ans et de rétablissement de l’ISF financière.

Des sujets sur lesquels Emmanuel Macron peut difficilement s’aventurer sous peine de se couper de son électorat de centre droit qui représente son principal capital électoral. On imagine mal Bruno Le Maire, Christian Estrosi, Renaud Muselier ou encore Eric Woerth adhérer à la nouvelle lutte des classes mélenchoniste. Aussi, a-t-il logiquement choisi la seconde thématique largement mise en avant par les Verts et les Insoumis, à savoir la transition écologique. Une stratégie qui n’est pas vraiment nouvelle : depuis 2017, le ministère de l’Economie et des Finances a toujours été occupé par une personnalité de droite alors que le ministère de l’Ecologie l’a été par un « vert repenti ». L’exercice n’est pas simple puisqu’il faut « en même temps » donner des gages à des jeunes écologistes épris de sobriété énergétique sans pour autant répondre aux sirènes du décroissantisme promouvant un utopique mix énergétique 100% renouvelable associé à la sortie du nucléaire.

Depuis six mois, le président-candidat a incontestablement pris la mesure du risque que la crise énergétique amorcée à l’été 2021 et renforcée par le conflit russo-ukrainien faisait courir à l’Europe et à la France. Plus aucune fermeture de réacteurs nucléaires en état de fonctionner, lancement sans délai du grand carénage prolongeant de 20 ans les 56 réacteurs existant, lancement immédiat de la construction de six nouvelles EPR et étude de faisabilité de 8 autres, 1 milliard d’euros en faveur des SMR (petits réacteurs nucléaires) : il s’agit bien sur la question du nucléaire d’un virage à 180° par rapport au candidat de 2017. Ses ambitions sont tout aussi fortes en matière de renouvelables avec 100 GW de solaire, 37 GW d’éolien terrestre et 40 GW d’éolien off-shore à l’horizon 2050. Il supporte également le lancement d’un grand plan hydrogène principalement dédié à la mobilité ainsi que la rénovation thermique de l’habitat.

Pour mener à bien ce programme ambitieux, Emmanuel Macron a proposé de séparer l’énergie de ses usages. Pour ce faire il suggère de créer sous la tutelle du premier ministre deux ministères. L’un plutôt centralisé serait chargé de la planification énergétique (par exemple, du programme détaillé ci-dessus), l’autre plutôt décentralisé chargé de planifier dans les territoires le changement des équipements dans la mobilité et l’habitat (voitures électriques, hydrogène, pompes à chaleur, rénovation énergétique).

Avant la prise de conscience climatique, l’autorité de tutelle de l’énergie était historiquement le ministère de l’Industrie. Pour donner davantage de poids aux politiques environnementales, Nicolas Sarkozy avait souhaité fusionner énergie et environnement. Il est rapidement apparu que ce rapprochement était un peu « l’impossible mariage de la carpe et du lapin » conduisant à des politiques environnementales plus militantes que rationnelles. L’énergie étant à la fois une composante clé de la politique environnementale mais aussi l’aliment incontournable de la croissance économique et du développement social, l’idée de créer un ministère plénipotentiaire de l’énergie séparé des usages apparaît très pertinent. Lançons les paris : si Emmanuel Macron est élu, ce ministère de l’énergie reviendra à une personnalité de droite alors que celui dédié aux usages devrait normalement incomber à une personnalité de gauche.

Il n’est pas certain en revanche que les Verts et les Insoumis y trouvent leur compte et ne l’interprètent pas comme une tentative de hold-up électoral. Dans son discours fondateur de Lyon le 29 janvier dernier, Yannick Jadot voulait « que l’intérêt privé et le profit économique obéissent désormais à la loi du vivant qui les supplantera ». Cette soumission totale de l’économique (et donc de l’énergie) à l’écologique avait été théorisée par l’ancien patron des Verts David Corman : « il n’y a pas de compromis possible avec le capitalisme si on veut maintenir la vie humaine sur terre dans des conditions à-peu-près correctes ».

Quoi qu’il en soit Emmanuel Macron devrait attirer Marine Le Pen sur ce terrain qu’elle n’affectionne pas particulièrement durant le débat de mercredi prochain. Elle aurait intérêt à s’y préparer sérieusement si elle ne veut pas revivre le cauchemar du 5 mai 2017.

Philippe Charlez, Boulevard Voltaire

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