La querelle de chapelles entre l’Ukraine et la Russie, l’autre guerre dans la guerre

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Articles  :  Mar. 2022Fev. 2022 – Jan. 2022 –   Dec. 2021   – Facebook : https://www.facebook.com/ORTF-News-107572991571884

L’un appelle à lutter contre les « forces du mal », l’autre à la résistance dans la « lutte contre l’agresseur », quand le troisième prend fait et cause pour son pays, l’Ukraine, augmentant ainsi les tensions avec Moscou dont il dépend pourtant. Pour bien saisir ces trois positions émanant de Cyrille, le patriarche de Moscou, Épiphane le primat de l’Église orthodoxe d’Ukraine, et Onuphre, le primat de l’Église orthodoxe ukrainienne, mais aussi pour comprendre pourquoi, dans son allocution télévisée du 21 février, Vladimir Poutine a reproché à l’Ukraine de réprimer les orthodoxes rattachés au Patriarcat de Moscou, il convient de remonter à 2019.

Avant cette date, la seule église orthodoxe reconnue canoniquement est l’Église orthodoxe ukrainienne, dépendante du Patriarcat de Moscou. Mais depuis 2014, les relations entre Kiev et Moscou sont tendues, et c’est dans ce contexte que naît une Église d’Ukraine indépendante. Cette autocéphalie a été accordée en 2019 par le patriarche de Constantinople Bartholomeos Ier, permettant ainsi aux Ukrainiens, selon l’analyse du théologien Jean-François Colosimo (La Croix, 22/2/2022) d’être « pleinement orthodoxes et pleinement ukrainiens, sans se demander quel est leur lien à Moscou ». Le président ukrainien de l’époque, Petro Porochenko s’était réjoui de « ce jour sacré » qu’il qualifiait de « jour de notre indépendance définitive de la Russie »Le Monde relatait ses propos devant des milliers de partisans : « L’Ukraine ne boira plus de poison moscovite depuis le calice de Moscou. »

Une autocéphalie vécue comme un affront insupportable

La création de cette Église autocéphale est vécue comme un affront insupportable par l’Église orthodoxe russe pour qui il est inconcevable d’être ainsi séparée de son berceau historique. Le patriarche Cyrille n’hésite donc pas à soutenir Vladimir Poutine, partageant avec lui la défense de la grandeur de la Russie et de ses valeurs traditionnelles. Sur RCF, Colosimo évoque un pacte entre l’Église orthodoxe russe et le Kremlin. « Ce pacte fait que le Patriarcat de Moscou est aussi une arme diplomatique. » Mais là où Porochenko se félicitait de son « Église sans Poutine », la Russie redoute, à l’inverse, des « persécutions massives » contre ses fidèles en Ukraine. Crainte devenue réalité puisque depuis 2019, La Croix (29/1/2019) décrit des « icônes volées, lieux de culte mis à sac, engin explosif projeté en pleine liturgie dans une église bondée, serrures changées », mais ces incidents violents sont niés par les représentants de la nouvelle Église d’Ukraine pour qui « le processus de transition se déroule de manière pacifique ».

Et avant même la création de cette Église autocéphale, le patriarche Cyrille dénonçait, dans une lettre adressée au pape et à l’ONU, les perquisitions par la police ukrainienne dans des églises du Patriarcat de Moscou, les prêtres « convoqués pour des “conversations” et interrogatoires par les services de sécurité ukrainiens, […] interpellés sous différents prétextes […] et subiss[ant] des perquisitions humiliantes ».

Dimensions spirituelles et temporelles intimement liées

Depuis la semaine dernière, les chefs des Églises orthodoxes se sont donc exprimés, tous appelant à la prière pour la paix, mais chacun défendant leur unité nationale. Le patriarche Cyrille a prononcé une homélie, le 27 février, dans sa cathédrale de Moscou : « Que le Seigneur préserve la terre russe. […] Une terre dont font partie aujourd’hui la Russie, l’Ukraine, la Biélorussie… », fustigeant les « forces du mal » contre l’unité historique de la Russie et de l’Ukraine. De son côté, Épiphane, le primat de l’Église orthodoxe d’Ukraine, invitait, le 24 février, ses fidèles à « repousser l’ennemi, à protéger notre patrie, notre avenir et l’avenir des nouvelles générations de la tyrannie que l’agresseur cherche à imposer avec ses baïonnettes. » Et d’ajouter : « La vérité est de notre côté. Par conséquent, l’ennemi, avec l’aide de Dieu et avec le soutien de tout le monde civilisé, sera vaincu. » Quant au troisième homme, Onuphre, le primat de l’Église orthodoxe ukrainienne resté fidèle à Moscou, il adressait l’appel suivant, le 24 février : « Très regrettablement, la Russie a commencé des actions militaires contre l’Ukraine, et en ce moment fatidique, je vous exhorte à ne pas céder à la panique, à être courageux et à manifester de l’amour envers votre patrie et entre vous. […] Défendant la souveraineté et l’intégrité de l’Ukraine, nous nous adressons au président de la Russie et nous lui demandons de cesser immédiatement la guerre fratricide. » Une position tranchée que n’a pas dû apprécier Cyrille de Moscou, qui comptait sur « notre Église orthodoxe unie, représentée en Ukraine par l’Église orthodoxe ukrainienne présidée par Sa Béatitude Onuphre, est la garante de cette fraternité ».

Enfin, ces rivalités dépasseraient les frontières ukrainiennes pour se déporter en Afrique. Selon l’historien Nicolas Kazarian« Moscou a ainsi envoyé des prêtres de Russie pour convaincre des prêtres orthodoxes africains de se rallier à l’Église orthodoxe russe […] On parle souvent aussi de l’action des paramilitaires russes au Mali. Tout cela fait partie d’une seule et même stratégie. Une stratégie où l’action militaire et l’action économique participent à un faisceau d’actions, où la dimension spirituelle n’est pas totalement absente. »

Iris Bridier, Boulevard Voltaire

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