Suspension de l’expulsion de l’imam Hassan Iquioussen : le ministre de l’intérieur en difficulté

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Articles  : Aout 2022Juil. 2022Juin. 2022 – Mai 2022

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Gérald Darmanin a annoncé le 28 juillet sa décision d’expulser le prédicateur marocain Hassan Iquioussen, connu pour des propos pour le moins controversés. On allait voir ce qu’on allait voir, c’est comme si c’était déjà fait. C’était sans compter sur la détermination de l’imam officiant dans le nord de la France à rester sur le territoire national. Saisi en urgence, le tribunal administratif de Paris a suspendu le 5 août la mesure d’expulsion dont il faisait l’objet. Nous revenons sur ce jugement qui en dit long sur la difficulté pour notre pays à décider qui y vit et à quelles conditions.

Hassan Iquioussen, un imam influent

Hassan Iquioussen est un imam influent en France, et même au-delà. Très actif sur les réseaux sociaux, il a organisé de nombreuses conférences en France et en Belgique sur l’islam. Il est l’un des co-fondateurs et premiers présidents des Jeunes Musulmans de France. Le spécialiste du radicalisme islamiste Bernard Rougier estime qu’Hassan Iquioussen a joué un rôle important dans « l’édification islamique » d’une jeune génération de musulmans. 

Certaines des déclarations d’Hassan Iquioussen ne laissent pas indifférents. Le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation n’hésite pas à les qualifier de « propos antisémites », de « discours négationniste », de  « haine des personnes homosexuelles » et de « remise en cause des attentats terroristes dont ceux du 11 septembre 2001 ainsi que ceux survenus à Toulouse et Montauban, commis au nom de l’islam radical ». Excusez du peu.

Une décision d’expulsion martiale

Les ministres de l’intérieur successifs ont depuis plusieurs années Hassan Iquioussen dans le collimateur. Le non-renouvellement de son titre de séjour en mai 2022 a marqué le début de la procédure devant conduire à son éloignement rapide de France. Le préfet du Nord a ensuite engagé une procédure d’expulsion à son encontre, validée par la commission d’expulsion et matérialisée le 29 juillet par un arrêté signé par le ministre de l’intérieur motivé par une « menace grave à l’ordre public ».

Sur Twitter, Gérald Darmanin commentait sa décision : « ce prédicateur tient depuis des années un discours haineux à l’encontre des valeurs de la France contraire à nos principes de laïcité et d’égalité entre les femmes et les hommes ». 

Dans le cadre des questions au gouvernement, le ministre de l’intérieur déclarait le 2 août devant les députés réunis à l’assemblée nationale: c’est avec « la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, ou la loi confortant les principes de la République, relative au séparatisme (…) que nous obtenons des résultats ». Il s’empressait de préciser : « Dès que les policiers et les gendarmes auront interpellé M. Iquioussen, il sera exclu du territoire national sans possibilité d’y revenir ».

Plusieurs juristes consultés par le journal Libération estiment au contraire que le gouvernement ne s’est pas appuyé sur les dispositions de la loi votée en 2022 « confortant les principes de la République », pour motiver son arrêté d’expulsion mais sur des dispositions plus anciennes du code du séjour des étrangers. Une querelle de juristes peut-être, une querelle de communicants peut-être également…

Un nombre impressionnant de soutiens

A l’annonce de l’expulsion prochaine du prédicateur officiant dans le nord de la France, l’imam Chalgoumi a été bien seul à saluer favorablement cette décision. Hassan Iquioussen a rapidement reçu le soutien de nombreuses organisations musulmanes et de mosquéesLa cagnotte mise en ligne afin de financer ses frais de justice et ceux d’autres imams « qui subissent les mêmes pressions de la part de l’Etat » a très vite atteint plus de 43 000 euros.

Dans le monde politique, des députés La France Insoumise ont critiqué ce qu’ils considèrent être une atteinte à la liberté d’expression. 

Non content d’organiser un recours contre son expulsion, l’imam Iquioussen tient à sa réputation. Il a annoncé le 3 août avoir déposé une plainte pour diffamation à l’encontre du ministre de l’intérieur, de Sébastien Chenu, député RN du Nord, et de Jordan Bardella, député européen RN.

Le recours devant la CEDH rejeté

Afin de suspendre la mesure d’expulsion prise à son encontre, Hassan Iquioussen a saisi le 3 août la cour européenne des droits de l’homme dans le cadre d’une procédure d’urgence. Dans sa requête, l’imam fait feu de tout bois en invoquant plusieurs articles de la convention européenne des droits de l’homme, relatifs à l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants, au droit au respect de la vie privée et familiale, au droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, à la liberté d’expression et au droit à un recours effectif. 

Le lendemain, le 4 août, la CEDH rejetait la requête d’Hassan Iquioussen, au motif que son expulsion ne risque pas de causer pas de dommage irréparable, selon la formule consacrée. La CEDH précise que sa décision « ne présage pas de ses décisions ultérieures sur la recevabilité ou sur le fond des affaires en question ».

Le tribunal administratif suspend l’expulsion de l’imam 

Les possibilités de recours contre les décisions de quitter le territoire français (OQTF) étant nombreuses, Hassan Iquioussen a rapidement engagé une autre procédure d’urgence, devant le tribunal administratif de Paris cette fois-ci. Celui-ci a par jugement du 5 août suspendu la mesure d’expulsion prise à son encontre. 

Les juges des référés ont estimé que « le seul motif tiré de l’existence d’actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination à l’égard des femmes ne pouvait justifier la mesure d’expulsion sans porter une atteinte grave et manifestement disproportionnée à mener une vie familiale normale au sens de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». 

Les magistrats soulignent dans leur jugement que « M. Iquioussen est marié avec une compatriote en situation régulière en France avec laquelle il a eu 5 enfants, de nationalité française, et quinze petits enfants ».

Les autres griefs soulevés par le ministre de l’intérieur – propos antisémites, hostilité à l’égard des valeurs occidentales, discours complotistes et encouragement à la violence et à la haine – n’ont pas été pas pris en compte comme justifiant une mesure d’expulsion. 

Immédiatement après avoir appris cette décision, le ministre de l’intérieur a annoncé faire appel devant le conseil d’Etat. La plus haute juridiction de l’ordre administratif français va donc statuer rapidement sous la forme d’une ordonnance de référé. 

L’arbre qui cache la forêt

Cette affaire n’en est probablement pas à ses derniers rebondissements. Si le ministre de l’intérieur se targue d’avoir expulsé des centaines d’étrangers radicalisés depuis qu’il est en poste, des études récentes et des sondages d’opinion font ressortir que la radicalisation d’un nombre important de musulmans présents en France progresse. Les procédures que l’imam marocain a engagé et la diversité des motifs pouvant être invoqués pour ne pas être expulsé illustrent plus largement la difficulté pour l’Etat – dans le cadre juridique actuel – à faire primer l’intérêt général sur des intérêts individuels. Décider qui entre, qui reste et qui doit partir du territoire national, n’est-ce pas – normalement – l’une des prérogatives essentielles d’un Etat ?

Paul Tormenen

Breizh-info.com

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