Le ministre, la réforme et l’article 49.3 : un nouveau film présidentiel à succès

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Dimanche 24. Macron II, acte I, scène première. Macron, Brigitte, chœur d’enfants, ministres re-ministrables, militants, musique et confettis, etc.

Gouverner autrement, qu’il disait. Ce dimanche, sur le Champ-de-Mars, Emmanuel Macron avait bien déroulé tous les changements qu’il allait mettre en place, tout ce qu’il avait compris, appris, au cours de ces mois et de ces années de réflexion à l’écoute des Françaises et des Français – et, surtout, au cours de ces quinze derniers jours de drague lourde, le genre d’avant #MeToo. Un discours progressiste, orienté vers l’électorat auquel il devait tout, celui envers qui il se sentait obligé, selon ses propres mots : l’électorat de gauche. On allait voir ce qu’on allait voir.

Je ne sais pas si, parmi la foule clairsemée dont les cheveux (clairsemés également) flottaient dans la brise du soir, certains partisans ont cru à tout cela. Anciens socialistes, anciens LR, anciens du MoDem, tous acteurs d’un monde forcément nouveau, se sont peut-être plu à croire, le temps d’un instant, que les choses allaient changer. Il se trouve que parmi les mesures annoncées par Macron, il y avait un possible recours au référendum. Il se trouve également que, parmi les réformes les plus polémiques, il y a la retraite à 65 ans. Un référendum sur la retraite à 65 ans aurait donc été du domaine du possible, comme on dit.

Lundi 25. Scène 2. Entre Bruno Le Maire, courtois, précis, exact. Dès le lendemain du triomphe républicain, c’est-à-dire ce lundi 25 avril, l’omniscient ministre de l’Économie et des Finances était interrogé sur cette réforme, justement, la « mère de toutes les réformes ». Et là, ce n’est plus la même chanson. Le Maire dit, sur Franceinfo, ne pas pouvoir garantir que cette réforme passera sans recours au 49.3. On rappelle ici que l’article 49 alinéa 3 de la Constitution de 1958 dispose que le gouvernement peut choisir de faire passer une décision en force, sans vote, sous réserve que la majorité de l’Assemblée lui témoigne sa confiance, face à une motion de censure d’un dixième des députés. Pas garanti, cela veut dire, en termes énarchiques, que si le peuple n’a rien compris, on lui imposera quand même le remède. Tout ça ressemble décidément à un film.

Chose amusante dans cette saga qui comportera probablement un acte par an, il semble, dès la bande-annonce, s’agir d’un medley (autrement appelé « pot-pourri ») des précédents succès de Marianne Productions. On se souvient, en effet, que dans Nicolas le Superbe (2007), très librement inspiré du Peer Gynt d’Ibsen, un arriviste plutôt vulgaire, clamait qu’on allait voir ce qu’on allait voir avec de fortes paroles creuses. Dans François n’y était pour rien (2012), que d’aucuns ont cruellement comparé à un mauvais Labiche, un sous-préfet bedonnant s’emparait du trône par effraction puis, entouré d’une équipe d’incapables, traînait son pays plus bas que terre entre deux tournées de croissants. Dans Emmanuel ou le nouveau monde (2017), surprenant mélange de comédie bouffonne et de réalisme italien, un traître au visage d’ange, entouré de technocrates intrigants et de déconstructeurs en tout genre, marchait sur la tête des pauvres avec un terrifiant regard christique. Difficile à regarder en entier, mais il y en a qui aiment. Il y en a même plus de 50 %, apparemment.

Cette fois, il y aura donc un peu de tout ça dans le nouveau long, très long métrage que l’on nous propose. Une audacieuse petite production était opposée, depuis le début de la saison, au blockbuster Emmanuel a changé ; hélas, Les Chats du Terril, un drame social à la Ken Loach, au titre de saga estivale pour mémères, a été boudé par le public. La faute à une campagne de presse acharnée, probablement.

Ce sont, en somme, toujours un peu les mêmes recettes qui font un succès cinématographique. Regardez Le Barrage, par exemple, diffusé en feuilleton du 10 au 23 avril dernier. On le passe dans les foyers français tous les cinq ou sept ans, comme Les Visiteurs ou La Grande Vadrouille. Dans ce classique du cinéma d’épouvante, le camp de la liberté affronte des armées de SS furieux, qu’une élection démocratique s’apprête à libérer des Enfers. Et à chaque fois, les gens y croient. Magie du cinéma. 49.3, donc. Eh bien, moteur !

Arnaud Florac, Boulevard Voltaire

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